Will being woman’d (1) end with Blake Lively?
Salut,
La passionnée
d’Histoire que je suis a tendance à me demander comment des milliers
d’individus, des sociétés entières ont cru en des idéologies destructrices ou
ont pu participer à des délires grandeurs nature comme les chasses aux
sorcières. Pourtant, jour après jour, actualité après actualité, force est de
constater que la manipulation collective reste d’une inquiétante efficacité.
Prenons
l’exemple de la polémique autour du film It ends with us.
Une sortie
de film tumultueuse
Il y a
quelques mois, le film « It Ends With Us », avec Blake Lively et Justin Baldoni
en tête d’affiche, est sorti. Le film est adapté d’un roman éponyme de
l’auteure Colleen Hoover, et porte sur les violences conjugales et la
renaissance personnelle. Le film a bénéficié d’une attention médiatique
considérable, favorable à Justin Baldoni, salué pour ses engagements
médiatiques et érigé en modèle de vertu. Tandis que Blake Lively a été victime
d’un véritable tsunami médiatique. Elle a été accusée de capturer l’attention
médiatique autour d’un film sur les violences conjugales pour promouvoir sa
marque de cosmétiques, et d’être une femme hautaine et irrespectueuse.
L’ampleur du phénomène était telle que les ventes de son entreprise ont été
significativement touchées.
A l’époque
déjà, j’étais frappée de voir à quel point il était facile de manipuler
l’opinion médiatique et d’utiliser des biais misogynes sans que cela ne soit
perçu… même par d’autres femmes.
Réseaux
sociaux et réseaux misogynes
On pourrait s’interroger sur l’absence de réaction de Justin Baldoni, perçu comme un allié féministe, face à des tabloïds qui critiquent le physique de sa costar, qui vient d’accoucher. Une prise de position aurait pourtant pu renforcer. Son silence est d’autant plus significatif car, il reflète une complicité implicite aux attaques, ainsi que le privilège masculin qui lui permet de rester intouchable aux attentes médiatiques.
Je trouve
qu’il est intéressant d’analyser comment les relations para-sociales s’emmêlent
avec la misogynie. Dans les tribunaux médiatiques, on érige des standards
moraux, presque inatteignables pour les femmes, tandis qu’il suffit à un homme
de danser sur Abba… pour être considéré comme un héros.
J’aimerais
donc revenir sur certains points de la campagne médiatique contre Blake Lively
et partager mes analyses. Parmi les nombreux épisodes marquants de cette
campagne de dénigrement, une interaction avec une journaliste a pris une
ampleur inattendue.
“Congratulations on your little bump”
Dans une
vidéo devenue virale, une journaliste félicite Blake Lively pour sa grossesse
lors d’une interview, en lui disant : « Congratulations on your little bump ».
L’actrice a répondu avec sarcasme, « Congratulations on your little bump », un
ton qui ne montre aucune joie concernant la remarque. Cette dernière, centrée
sur l’aspect de son ventre de grossesse, n’a visiblement pas été appréciée par
l’actrice. En effet, les commentaires sur l’apparence physique des femmes, en
particulier pendant une grossesse, sont bien trop fréquents. En l’occurrence,
il n’était pas nécessaire pour la journaliste de se concentrer sur la taille du
ventre de Blake Lively. Peut-être elle avait déjà reçu plusieurs commentaires sur cela et que la journaliste a payé les
frais de son agacement.
Peut-être que la journaliste pensait faire un compliment, mais la réaction de Blake Lively montre que ce genre de remarques peut être perçu différemment. Ainsi, un commentaire qui peut nous sembler inoffensif sera blessant
pour autrui.
En revanche, si cette histoire a tant affecté
la journaliste, pourquoi n’a-t-elle pas réagi immédiatement, et chercher à
clarifier la situation ? Au lieu de cela, elle a attendu une dizaine d’années
pour en parler, alors même que l’actrice faisait déjà face à du harcèlement
médiatique. La sincérité de la journaliste est d’autant plus intrigante, quand
on constate qu’elle a utilisé une approche similaire contre une autre actrice,
Anne Hathaway. Encore une fois, une femme…
Cela montre
qu’il est facile de porter un procès d’intention sur la morale des femmes et
sur leurs intentions. En répondant de manière sarcastique, Blake Lively devient
une femme "difficile" ou "froidement calculatrice", et son
intention de protéger sa vie privée ou de se défendre contre un commentaire
intrusif est interprétée de manière négative.
Les
éternelles chèvres émissaires
Ni moi, ni
ceux qui accusent Blake Lively de manipulation ne la connaissons assez pour
juger son caractère. Ainsi, je suis interpellée (mais pas étonnée) par la
facilité avec laquelle les gens croient aux portraits négatifs qui sont
dessinés sur les femmes.
En réalité, le genre n’est que spectacle. Nous sommes nombreux à accepter aveuglément les portraits négatifs qui sont dressés sur les femmes, car ce phénomène s'inscrit dans ce que la philosophe Judith Butler qualifie de performativité du genre2. La société impose des normes strictes selon lesquelles chaque genre doit agir et se comporter. Une femme comme Blake Lively, qui fait la promotion d’un film sur les violences conjugales et la renaissance avec une approche moins émotionnelle que son collègue Justin Baldoni, est perçue comme une anomalie. Baldoni, au contraire, exprime ouvertement ses émotions et ses engagements féministes. Si une femme ne performe pas selon le script imposé par la société, elle obtient le rôle du monstre qui doit être terrassé.
En effet,
Blake Lively, en tant que Femme publique, incarne une cible facile pour les
médias et l’opinion publique. L’émotivité est attendue chez une femme, ainsi,
dès qu’elle sort de cette norme, elle est rejetée et qualifiée de froide, voire
de manipulatrice.
Ce phénomène
de haine médiatique est loin d’être nouveau. Il trouve un écho dans le concept
antique de la catharsis, où la société se purifiait en punissant un individu.
Le
backlash ou la catharsis moderne
Le concept de
“backlash” s’apparente à la catharsis de la tragédie antique. Dans les
tragédies grecques, le châtiment d’un individu fautif purifiait la société et
apportait un soulagement émotionnel à ceux qui s’étaient sentis blessés par ses
actes. Aussi, les médias modernes soumettent les femmes à un processus
similaire. Lorsqu’une femme transgresse les règles sociales, comme dans le cas
de Blake Lively, elle devient une cible facile pour l’humiliation publique. Ces
campagnes de dénigrement visent à la déshumaniser et à la sacrifier
symboliquement pour restaurer un ordre social. Le “backlash” est ainsi un
mécanisme de régulation sociale, dans lequel une femme est punie pour des
fautes souvent jugées à travers le prisme du genre. Car en réalité, qu’a-t-elle
fait de mal a part se défendre et promouvoir un film selon une approche différente ?
Conclusion
Ainsi, la
misogynie reste omniprésente dans les discours médiatiques et dans les réseaux
sociaux. Les femmes publiques sont également la cible de violentes attaques médiatiques.
Surtout, lorsqu’elles sont opposées à des hommes puissants. De plus, le manque
d’esprit critique sur Internet, combiné à une tendance à réduire des situations
complexes à des jugements émotionnels, nourrit la propagation des campagnes de
haine.
Ce phénomène
est d’autant plus inquiétant quand on considère le statut de Blake Lively.
C’est une femme blanche, riche, mariée à un homme influent. Si même elle a été victime
d’un tel harcèlement, combien de fois d’autres femmes qui sont moins riches,
moins connues, moins protégées ?
Voilà,
J’espère que
cet article vous a plu. J’aborde un sujet complexe, tout en donnant mon avis
que vous ne partagerez peut-être pas.
Alors,
commentez, laissez un avis ou une suggestion. Donnez-moi également des idées
d’articles ou de sujets que vous voudriez que j’aborde.
J’ai hâte de partager plus.
B.
2 Judith Butler, Trouble dans le
genre. Pour un féminisme de la subversion, trad. de l’américain par C.
Kraus. Paris, Éd. La Découverte, 2005
Commentaires
Enregistrer un commentaire